Dans mes films précédents, je ne voulais pas de musique. Je m’attachais plutôt à traiter les sons comme une sorte de “soutien musicalisé“ aux images, à l’histoire que je racontais. Pour ce nouveau film, tout est différent, l’évidence de la musique s’est imposée dès l’écriture. L’idée du scénario est venue d’un couple de personnes âgées que je croise depuis des années dans un village du sud de la France. Ils arrondissent leur maigre retraite en vendant des pizzas qu’ils cuisinent dans un camion installé dans leur jardin. Lui, l’ancien garagiste aux allures de rocker ténébreux, et sa femme, toujours joyeuse, accompagnent le service de morceaux musicaux des années 60/70 qui varient selon leur humeur. Pop anglaise, variété, rock, folk, c’est toujours une surprise. Presque malgré moi cette musique a guidé l’écriture de l’histoire.
Très vite, la guitare s’est imposée comme instrument de référence. Une guitare dont les tonalités rock-folk collent au personnage de Gilbert (Daniel Auteuil). À sa façon d’être, à son look : Jeans, bottes et vieux blouson de lutte. Des balades douces ou quelques fois plus rugueuses accompagnent le road-movie sentimental de ce retraité tenace et bagarreur. Un homme en quête d’amour, autant que de lui-même. Flanqué de son petit-fils au caractère bien trempé et de son vieil ami qui lui joue le mauvais tour d’être aussi l’amant de sa femme. Comme je ne suis pas musicien je n’ai que les mots pour partager la musique que j’imagine. En rencontrant Fred Avril, ces mots, ces idées, se sont transformés en notes de musique. Il regarde le montage : Daniel Auteuil magnifique de générosité, avec sa barbe de trois jours, sa moustache des années 70, qui regarde sa vieille dépanneuse disparaître au bout du chemin, enlevée par des huissiers. Fred est touché, inspiré. Les idées, que nous échangeons se transforment vite en musique. Sa guitare résonne, donne un sens profond aux paysages qui défilent, en accord parfait avec l’immensité des terres arides et rouge du sud de la France, les étangs, les plages, la mer, qui s’étirent à l’infini. Très vite ce n’est plus Daniel Auteuil, mais Gilbert qui, au volant de sa vieille 4L fourgonnette, quitte son garage, ses habitudes, pour partir chercher sa femme, Simone (Catherine Frot).
Fred Avril travaille autour d’un thème principal décliné en plusieurs variations qui se fondent aux différentes situations. Musique mélancolique quand Gilbert surprend Simone lascivement blottie dans les bras d’Etienne son voisin et ami. Quand Simone s’en va après avoir abusé de substances diverses et que les gendarmes l’attrapent, elle est accompagnée d’une musique un peu folle, mais toujours tendre, comme une caresse bienveillante sur ses dérives. La musique accompagne le film, lui colle à la peau, souligne les sensations, les émotions, avec une extrême élégance. Elle enlace les sons, les soutient en même temps qu’elle sublime le jeu des comédiens, l’intensité dramatique ou l’aspect ludique de l’histoire.