Comment travaillez-vous avec les comédiens Mathilde Weil, Maxime Gleizes et Simon Cohen ?
Le travail s'est d'abord fait à la table, avec une analyse précise du texte, car c'est un langage assez particulier. Il paraît quotidien au premier abord, mais se révèle poétique et extrêmement rythmé (temps/contre-temps).
Le jeu qui en découle est, selon moi, du naturalisme : une performance qui oscille en permanence entre fiction et réalité. Tout se fait au présent, sans artifice.
Par exemple, dans cet appartement, les personnages vivent, s'ennuient, se lavent les mains, lisent, chantent, parlent, ils ne cherchent pas à être efficaces pour produire une histoire. Ce qui embarque le spectateur dans un réalisme de situation, et le place presque comme un voyeur, qui observe ce couple par le trou de la serrure.
Pour essayer d'atteindre ce naturalisme, le travail avec les comédiens et les comédiennes passent par des exercices de Meisner - très au présent, ici et maintenant -, par de l'abandon du texte pour seulement vivre la situation en étirant au maximum les temps et la parole pour trouver la bonne nuance, aller dans l'extrême pour ensuite doser, essayer de ne rien produire en tant que comédien c'est-à-dire de ne pas faire, mais tenter d'être.
Ce que j'appelle le naturalisme (et je ne suis pas du tout spécialiste des courants théâtraux) est le style de performance qui me touche le plus dans le spectacle vivant. Il convoque une vérité du moment et du propos incomparable.
Le problème c'est que c'est un style très fragile, puisque l'on travaille avec de l'humain, et que chaque soir cela peut ou ne peut pas fonctionner.
Ce qui amène un défi et un tract permanent.
Les trois comédiens-nnes sont formidables, précis et pleins-nes de propositions. Nos échanges sont bienveillants, nous cherchons ensemble, je leur laisse beaucoup de places pour la recherche tout en les cadrant à certains endroits. Le travail est acharné et vibrant ! On a hâte de vous montrer le résultat !
Souhaitez-vous nous parler des décors ?
Oui bien-sûr. Ce qui m'intéresse en montant cette pièce, c'est surtout la direction d'acteur. Cela me touche particulièrement, étant moi-même comédien.
Pour la mise en scène, ou la scénographie, c'est plus compliqué : je ne m'y connais pas. J'ai donc cherché des idées, discuté avec des professionnels, des metteurs en scènes, des scénographes, et j'ai finalement fait au plus simple par rapport au théâtre qui allait nous accueillir.
Il fallait représenter l'appartement aseptisé, et pour aller dans le sens du jeu naturaliste, le décor devait lui aussi être simple et crédible.
Il y aura donc simplement un grand drap blanc tendu en fond de scène - qui représentera un des murs -, le bureau en verre de Ben, le piano de Jo, et peut-être une plante en plastique.
Ce décor sera réchauffé et coloré par la projection de vidéos thermiques, puisque -rappelons-le- Ben travaille sur un télescope infrarouge.