"J’ai choisi « Happy » car j’adore cette chanson, dans sa production originale, son esprit : elle porte bien son nom et fait du bien à tout le monde. C’est une chanson solaire que j’adore écouter. Alors c’était l’occasion de la reprendre d’une manière suffisamment originale pour être amusante, car finalement je ne sais pas si j’aurais pensé à le faire tellement c’est un tube.
J’ai été impressionnée par l’exigence acoustique de leur travail, et par tous les changements et précision d’installation que cela exige. Leurs sons sont délicats et donnent de l’espace à la voix. Au sujet de l’enregistrement, le refrain tournant toujours autour de la même note, c’était très fatigant de le chanter une vingtaine de fois de suite!
Cela m’a amusée de l’enregistrer en lisant scolairement les paroles alors que j’ai beaucoup dansé dessus : on pense tous la connaitre par coeur mais en fait pas du tout. Je l’ai chantonnée tellement de fois sans en connaître les paroles… maintenant plus besoin de texte pour le karaoké !"
Le camarade du trio, Clément Ducol - lui aussi passé par la classe de percussions - a choisi avec eux les tubes qu’il a réarrangés pour le trio. En commençant par les déshabiller, n’en gardant que l’épure. Une fois ces morceaux mis à nus, il a envoyé une partition semée d’indications qui restaient à éprouver… et a rejoint le trio pour traduire tout cela en musique. Quitte à inventer, bricoler, faire construire sur mesure d’immenses lames sonnant aussi grave que les basses boostées, ou même plaquer sur les marimbas une feuille d’aluminium pour simuler une saturation… Tout est artifice, et pourtant tout est naturel. Logiquement analogique. Et strictement chorégraphié : les déplacements des mains sur les claviers de bois, les changements d’instruments ou de baguettes…Les trois funambules de cet orchestre de poche font valser leurs maillets sur les lames des marimbas, et les sons qu’ils tirent du bois vibrent dans le ventre et éclatent en comètes dans la tête.
Ces chercheurs, dont les expériences combinent la précision de la physique et l’imagination de la pataphysique, sont en quête de nouveaux sons comme d’autres de nouvelles molécules. Ils ont fini par trouver une formule instrumentale inédite, qui n’appartient qu’à eux, pensée pour épouser les voix de celles et ceux qu’ils ont conviés pour reprendre ces chansons. Après la chimie donc, l’alchimie : Camille – avec toute son énergie, fait valser Don’t Stop the Music (Rihanna) en mode organique, Blick Bassy repeint One Last Time (Ariana Grande) aux couleurs de sa langue maternelle, le bassa, et lui offre un supplément d’âme. Quant à Malik Djoudi, il enveloppe Super Rich Kids (Frank Ocean) de subtiles textures éthérées, sa voix au diapason des lames et des étincelles célestes du trio. Camélia Jordana, elle aussi, a apposé sa patte : elle a fait tamiser les lumières du studio et ralentir le tempo d’un Dance Monkey… transformé ici en cérémonie ! La voix de Sandra Nkaké, lovée dans une cascade cristalline de verres, a fait de Video Games (Lana del Rey) un mystère solennel et sublime. Tous ont donc insufflé leur énergie, leur douceur, leur grain de voix, celui de leurs folies… et mille autres nuances qui participent de cette sensation troublante que les Anglo-Saxons désignent par un terme français : « déjà vu ». Comme un ancien amour qu’on redécouvre avec des yeux nouveaux, un air qui revient de loin mais serait né aujourd’hui, familier mais jamais vu… ou mieux : déjà vu, mais complètement inouï. Déjà vu, c’est le nom de cette magnifique expérience inédite, et de ce disque ovni.