« Nous regardons le monde du même belvédère, fiers et tremblants.
Fiers de nos origines sociales modestes, fiers du chemin parcouru, fiers de ne pas céder à la bêtise ou à la facilité, fiers de vivre la main tendue avant le poing fermé, fiers de savoir reconnaitre sur le champ la beauté universelle.
Et tremblants parce que nous sommes remplis de doutes et d’incertitudes. Parce que nous sommes en recherche permanente et que nous avons plus de questions que de réponses. Parce que nous assumons pleinement notre ultra sensibilité, notre vulnérabilité à l’heure où dire cela passe pour un aveu de faiblesse.
Et nous savons que notre société ne fait pas de place pour les faibles, elle les croque. Elle nous veut durs, forts, remplis de certitudes avec ce regard de gagnant. Elle aime le rire des vainqueurs. »
Ici la poésie est partout, c’est un langage qui évolue au rythme des saisons. Il se nourrit et transforme l’héritage de ses pairs rendant hommage aux gens qui doutent d’Anne Sylvestre et rendant Gloire aux perdants.
Résolument à contre-courant, notre duo ne se reconnait absolument pas dans la méritocratie ambiante. Les marginaux et les laissés-pourcompte sont ici à l’honneur. La république des « winners » n’a qu’à bien se tenir, le camp des « losers » magnifiques ne lui emboitera jamais le pas.
Fiers et Tremblants est un disque ambitieux, inclassable, intimiste, d’une grande richesse musicale et d’une acuité politique tout en subtilité. Il y mêle rythmique organique et électronique au service d’une langue simple et pourtant pointue. C’est un pont entre un rap lettré et une chanson française engagée. La poésie comme échappatoire d’une routine inexorable. La poésie comme rempart à la dérive. La poésie pour contrecarrer la mesquinerie des décideurs politique. La poésie pour redorer le blason d’une humanité trop souvent malmenée par les marchands de malheur.