« Ne grandissez pas, c’est une arnaque. » L’artiste de 25 ans annonce la couleur. Le genre de teinte qui fait écho à nos propres émotions, sans détour, pour en faire des histoires, par-delà les chapelles musicales. Une liberté qui vient justement de loin. Bercé par Mozart, élevé avec Elvis, fasciné par Brel, marqué par Bob Dylan : il est des éducations musicales qui ne ressemblent à aucune autre. Une jeune vie passée dans les chorales ainsi qu’une guitare reçue en cadeau à 11 ans, et le rendez-vous avec son destin est pris : ce sera la musique. Alors qu’il grandit à l’ombre d’un tempérament réservé, aux limites du secret, il relate sur le papier les fausses routes et la difficulté de trouver sa place. Jusqu’à ce que l’évidence finisse par se matérialiser à 20 ans, à travers un présent, de nouveau. Il est des signes qu’on ne peut ignorer.
Pour cadeau d’anniversaire, il reçoit un enregistreur dont il va tirer toute la magie, en s’exerçant au « field recording », pratique qui consiste à trouver l’inspiration en enregistrant des sons de l’environnement immédiat. Sous le nom de « Kaky Sounds », il récolte les bruits qui l’entourent pour servir son art, affranchi des logiciels de compostion. De cette parenthèse, Kaky fera naître « Lundi matin », « La tête pleine », « Rideau Danse » ...
Autant de titres qui le mèneront jusqu’à la première partie de Thérapie Taxi, et figureront sur l’EP « Room404 ». Dans ce premier chapitre, Kaky floutait la frontière entre rap, pop, et chanson française, en posantses jalons avec l’énergie des premières fois. Mais d’autres envies ne tardent pas à s’imposer à lui. Dans la foulée, pour transformer l’essai, le jeune artiste se recentre et va puiser dans ses premières amours, pianos et guitares en tête, pour élaborer la suite. En résulte aujourd’hui cet équilibre de sonorités électroniques et de chaleur acoustique qui nourrit « Joli Monde ». Tout premier album placé sous le signe de l’enfance, son paradis perdu et la réalité du monde qui le remplace.
Dans cet opus, Kaky parle à l’enfant qu’il a été en multipliant les allers/retours entre âge de raison et âge adulte.Tour à tour à naïf, sarcastique, ou tout simplement limpide.
Comme dans « Juste une chose », préface spoken word qui ouvre la marche et éclaire le chemin à venir. S’ensuit alors le constat acéré « How Many », avant l’élévation vers d’autres sphères au fil de « Cerf-Volant », dans lequel il prend la réalité de court, et s’en départi en s’accrochant à ses rêves d’enfant. Le voyage se poursuit vers des horizons fantasmés, redessinés au gré de ses envies dans « Tableau ». Entre force et douceur, Kaky joue les équilibristes jusqu’à ce « 1er avril », où le chanteur se fait lover, prend l’amour en mer comme on boit la tasse, jusqu’à la dernière goutte. À peine le temps de remonter à bord, et « C’est pas grave » nous propulse dans une soirée sans fin où s’entrechoquent les incompréhensions, incantations nocturnes qui pulsent et palpitent. Une montée en puissance qui trouve son apogée dans l’épique « Berceuse », dont les guitares électriques et le propos finissent par déchirer le ciel. Mais ce serait sans compter sur « Juste toi », plage déserte et subtile sur laquelle se reposent et se régénèrent les émotions. Le tout sous un clair de « Lune » qui clôt ce voyage, terminus à la fois mélancolique et céleste. Ce serait alors la fin du monde ? Oui, la fin de ce « Joli Monde » autour duquel on tourne, sans jamais vouloir s’arrêter.