Je propose à Emmaüs d’animer un atelier d’écriture auprès des jeunes migrants hébergés dans le CHU de la place des Fêtes (Paris XIXème).
Premier atelier, il y a des afghans, des guinéens, un sénégalais, un soudanais... J’explique mon projet d’écriture de chansons et tous me disent que c’est difficile. Je prends mon ukulélé et je commence une chanson comme ça en rebondissant sur ce « c’est difficile ». Puis Oury*, un jeune guinéen, me dit qu’il veut écrire une lettre à sa mère. Il me raconte son histoire : en conflit avec son beau-père, il quitte le foyer à 17 ans sans dire au revoir à sa mère, puis c’est la Libye, la traversée... Un grand costaud de 20 ans qui écrit une lettre d’amour à sa mère... quel chanteur français oserait chanter « maman je t’aime ».
Fin des ateliers, j’amène mon home studio au CHU pour enregistrer les différents protagonistes ayant participé aux chansons, mais Oury ne vient pas aux séances. Timidité ? Nonchalance ? je l’ignore. Je sympathise avec Teli*, son ami qui vient du même village que lui, je lui propose (sans trop y croire) de faire un essai, pour voir ; j’enregistre, une prise, magique. Teli trouve immédiatement le ton juste, son accent chantant fait merveille, il transforme pas mal le texte, se l’approprie, improvise des passages en pulaar (la langue des Peuls), et c’est exactement ce que l’on entend sur ce titre. J’ai voulu garder la vérité de cette unique prise qui n’est pas parfaite techniquement mais me touche à chaque fois que je l’entends. Bien sûr, Teli n’est pas musicien et c’était sa première expérience de ce type.