Pouvez-vous nous présenter votre BD Une vie de gabier à bord de l’Hermione ?
Cette bande dessinée une vie de Gabier est née à la suite de ma première campagne de navigation à bord en 2017/2018. Dessinant depuis petit et ayant finalement choisi de ne pas poursuivre mes études dans la filière artistique, la bande dessinée m’a toujours attiré et ce projet BD a été pour moi un beau défi.
Comment raconter tout ce qui se passe à bord sans s’éparpiller dans tous les sens, il a finalement fallu choisir en amont précisément l’ensemble des éléments que je souhaitais mettre en avant. C’est comme ceci qu’est venue l’idée de raconter la vie à bord de l’Hermione sur une journée complète à bord de la frégate.
Tout est tellement unique et intense tant au niveau navigation et manœuvre qu’au niveau humain que je m’y suis repris à deux fois pour réaliser cette bande dessinée. Après avoir débuté en 2018 à l’issue de ma navigation, j’ai décidé de recommencer en restructurant l’ensemble du corps et des chapitres pour rester sur une bande dessinée basée sur une journée à bord de l’Hermione au sein de l’équipe Tribord.
Qu'est-ce qui vous a intéressé pour faire un voyage vers les Etats-Unis en 2015 en tant que gabier sur le navire ?
En 2015 je ne faisais pas encore partie de l’équipage. C’est justement à ce moment ci, au retour de l’Hermione de son voyage vers les Etats Unis que j’ai eu la chance de la voir pour la première fois à son arrivée à Brest.
J’ai totalement été pris dans ce projet, j’ai été impressionné par la taille de la frégate, par la hauteur des mâts et la complexité des manœuvres réalisées dans les mâts que j’ai immédiatement souhaité rejoindre le projet. Puis de fil en aiguille, cela s’est réalisé !
Du point de vue historique que représente ce bateau pour vous ?
Pour moi, l’Hermione a son côté historique de liberté et d’entraide entre la France et les Etats Unis, c’est pour moi un symbole fort de fraternité entre ces deux pays. Mais c’est aujourd’hui aussi un incroyable vecteur de valeurs humaines que transmet ce genre de projet, et les bateaux en général, à travers la complexité de la construction et la complexité des manœuvres qui nécessite un équipage nombreux et aguerri ! 80 pour pouvoir manœuvrer ces 17 voiles par tout temps, autant sur le pont qu’à 47 m au-dessus du niveau de la mer. C’est une véritable machine à créer du lien, faire tomber les barrières autant sociales que professionnelles, qui permet à chacun de se retrouver et de donner le meilleur dans une direction commune : faire avancer la frégate.
Quelles étaient vos principales tâches à bord de l'Hermione et comment avez-vous vécu personnellement cette traversée ?
A bord je suis gabier, membre d’équipage. Parmi l’équipage formé de 80 membres, 56 sont sélectionnés sur motivation, testés (test d’ascension) et formés. Les 20 autres membres sont diplômés de la marine marchande avec une expérience colossale en navigation à la voile et sur grands voiliers (Belem, Gotheborg, Marité etc).
En tant que membre d’équipage nous fonctionnons en tiers : 3 équipes de 20 gabiers sous les ordres chacune d’un chef de tiers et d’un adjoint chef de tiers (Marin pro) qui, eux-mêmes, sont sous les ordres de leurs chefs de quarts (officier marine marchande). Ces derniers prennent le commandement du navire durant un quart (4 heures) avec leurs équipes et leurs chefs de tiers sur le pont pour la manœuvre des voiles.
Ainsi toutes les 4 heures, l’équipe est relevée par la suivante dans un balais incessant de relève de quart. Les trois équipes sont les Babordais, les Tribordais et les Milieux. Chacune a ses horaires de travail et de repos : Babord : 8h - 12h sur le pont à la manœuvre puis 20h - 00h.
Tribord : 00h-4h / 12h-16h.
Milieux : 4h-8h / 16h-20h.
En définitive, il y a constamment une équipe de service sur le pont à la manœuvre, une de repos à dormir et une hors quart (repos / temps libre)
Comment avez-vous vécu humainement cette histoire avec le reste de l'équipage ?
Je n’ai jamais découvert un univers aussi riche humainement qu’à bord de l’Hermione et des voiliers en règle générale. La richesse des profils vous fait côtoyer des gens de tous les milieux. Le meilleur exemple que j’aime prendre c’est qu’à bord, nous avons des marins pro, des marins pécheurs, des ingénieurs de l’agence spatiale européenne, des architectes, des étudiants, bref du monde de tous les horizons avec une mixité et une parité au maximum respectée.
En définitive, humainement je n’ai jamais vécu quelque chose d’aussi riche et intense.
Auriez-vous aimé faire ce voyage dans les conditions de l'époque, au XVIIIème siècle ?
A l’époque, ces voiliers étaient des navires de guerres, vous étiez enrôlé dans la marine royale, certaines fois de force et vous pouviez débuter à 8 ans votre carrière dans les forces armées en tant que mousse embarqué. Les conditions devaient être désastreuses et bien que nous réalisons les manœuvres de voiles comme à l’époque, la vie à bord a beau être très cadrée avec le rythme des quarts, elle n’a rien à voir avec ce qui pouvait se faire à l’époque, rien que par l’absence de combats aujourd’hui et des conditions d’hygiène et de conservations alimentaires bien supérieures.
En quoi était-ce important pour vous de retranscrire votre expérience à bord de l’Hermione dans un ouvrage ?
C’était avant tout un projet très personnel, j’avais déjà réalisé quelques planches de BD pour des histoires très courtes mais jamais menées à bout …. Pour moi, prendre un projet beaucoup plus ambitieux a été un défi et un challenge pour le mener coûte que coûte jusqu’au bout. Et aujourd’hui c’est un réel plaisir d’avoir pu y parvenir !
Comment avez-vous travaillé les dessins de la bande dessinée ?
J’ai pu réaliser quelques croquis à bord mais avec le rythme des quarts et le manque de sommeil constant, je n’avais pas l’envie et l’énergie pour, donc j’ai choisi de prendre le maximum de photos et vidéos avec une caméra embarquée pour ensuite reprendre l’intégralité à quai.
Est-ce qu'il y a un moment particulier au moment de votre aventure sur l'Hermione que vous aimeriez nous raconter ?
Humm… Plusieurs !! Les manœuvres d’urgence à devoir resserrer les perroquets par 20 knot de vents en urgence ! Des moments uniques où l’on ne réfléchit plus et où l’on fonce pour redescendre le plus vite possible !!! C’est aussi là où Caroline, gabière également, m’a vomi dessus… On a une règle à bord, ne jamais vomir sur les voiles, elles sont en lin, matière naturelle, donc on ne veut pas les abimer avec l’acidité du vomi…
Aurez-vous l'occasion de rencontrer vos lecteurs prochainement pour des séances de dédicaces ?
J’ai eu l’occasion juste avant de rembarquer sur un voilier pour le travail, et à mon retour en octobre, je serais ravi de pouvoir le faire !! C’est assez nouveau pour moi et je suis vraiment reconnaissant des multiples demandes que je reçois, j’avoue que cela me fait énormément plaisir ! Donc oui, hâte de pouvoir participer à ces rencontrer !
Vous êtes un aventurier dans l'âme et avez beaucoup voyagé. Vers quelles aventures ou destinations aimeriez-vous vous rendre ?
Mon travail tend de plus en plus à me permettre de participer à plusieurs projets dont je n’imaginais qu’en rêve de pouvoir y participer ! Cet été c’est à bord de la goelette scientifique Tara que l’aventure se poursuit pour plusieurs mois d’embarquement en tant qu’équipier et reporter embarqué (médiaman) sur les côtes d’Afrique de l’Ouest pour la mission scientifique menée sur le Microbiome marin. Il me tarde d’embarquer !!
Que souhaitez-vous dire pour terminer ?
Un grand merci pour votre intérêt et pour le temps que vous me dédiez, un grand merci pour vos sollicitations, je vous dis à l’automne prochain, encore merci !
Merci à Guillaume Tauran d'avoir répondu à notre interview !