D'où vous est venue la passion pour la caricature, l'humour et le dessin ?
J'ai toujours aimé me moquer gentiment de mon entourage par le dessin. Le cercle a commencé par ma famille, puis mes camarades de classe, mes professeurs. Voyant que mon activité de caricaturiste suscitait de l'amusement et des rires contagieux, j'ai commencé à intervenir de façon professionnelle pour des évènements et maintenant... je m'attaque aux célébrités et aux politiques. En fait, je me moque de tout le monde.
Concernant le dessin, j'étais à l'aise très jeune avec un crayon de papier à la main, surtout pendant les heures de cours...
Pouvez-vous nous présenter votre BD César Macronus et la révolte des toges jaunes ?
César Macronus et la révolte des toges jaunes est une BD humoristique dont l'intrigue se déroule à l'époque gallo-romaine mais dont le sujet traite de l'actualité brûlante des gilets jaunes et du paysage politique français. Centurion Castanerus, Légionnaire Bénallam, Feknius (journaliste), Colérix (JL Mélenchon), Transitionénergétix (Nicolas Hulot), Blonde de Neuillix (Marine Le Pen) sont autant de personnages familiers hauts en couleur que vous retrouverez soit du côté gaulois, soit du côté romain... soit des deux ! Les traits de caractère des personnages sont bien-sûr amplifiés car je souhaitais rester dans une veine satirique. Même si mon coeur penche plus du côté gaulois que romain, tout le monde en prend pour son grade : je ne veux épargner personne !
Vous retrouverez donc, sous forme d'enchainement d'épisodes les différentes aventures liées au mouvement des gilets jaunes... ponctués de quelques divagations fantaisistes.
Qu'est ce qui vous a plu dans la référence à l'époque romaine dans cet ouvrage ?
La transposition de l'actualité dans une autre époque ou un autre lieu est un procédé bien connu utilisé dans nombre de livres, de films ou d'opéras. Il permet de prendre de la distance face aux événements actuels en leur ajoutant une petite touche exotique rafraîchissante ! Des fois, il permet aussi d'éveiller les esprits tout en évitant la censure...
Calvo, un fabuleux auteur et dessinateur de BD, avait ainsi traité de l'actualité de la seconde guerre mondiale, en la transposant dans un univers cartoonesque dans lequel tous les peuples et personnages politiques étaient tous incarnés par des animaux.
Le paysage gallo-romain comme décor pour traiter du sujet des gilets jaunes s'est imposé à moi naturellement. J'imagine que l'idée a germé dans mon esprit grâce au lexique employé par les gens ou les politiciens eux-même : "l'Empereur Macron" ou "les gaulois réfractaires"... Mon amour pour les BD d'Astérix a surement joué aussi un rôle dans ce choix. Il faut rendre à César ce qui est à César : ces bandes dessinées sont de véritables chefs d'oeuvres tant par l'intelligence des scénarios, la pertinence des dialogues de Goscinny que l'expressivité des personnages d'Uderzo. De plus, ces aventures de gaulois, par leur grand succès populaire, sont ancrées dans notre culture française.
Pourquoi avoir réalisé un livre sur les gilets jaunes et pensez-vous que ce mouvement marquera l'histoire comme ce fut le cas par exemple pour mai 68 ?
Le manque de représentativité et d'intérêt pour les classes laborieuses au sein de la politique française n'est pas nouveau... Depuis Sarkozy, un dédain assumé envers ces classes était franchement perceptible, sous Hollande il était discret mais depuis Macron... il est devenu insoutenable. L'annonce de la hausse du prix du carburant n'était que la goutte de gazole qui a fait déborder le vase. Je pense que, contrairement à ce qui est rabaché dans les médias, la révolte des gilets jaunes n'est pas seulement liée à un problème de pouvoir d'achat mais plutôt à un problème de considération. Même s'il a été élu démocratiquement, le président et son gouvernement semble loin, très loin des aspirations et du quotidien du peuple. Les gens qui nous gouvernent font partie d'une petite élite qui évolue dans un univers opaque : on ne comprends pas leurs projets, leurs intentions réelles, les liens qu'ils tissent avec les industriels et les lobbies, les ententes commerciales avec des pays peu regardant sur les Droits de l'Homme, la non-cohérence entre leurs paroles et leurs actes... Heureusement que des journalistes d'investigations et des lanceurs d'alerte rendent publiques des enquêtes sur ce milieu mais ils sont de plus en plus menacés.
L'histoire de la France s'est construite sur une suite de révoltes populaires contre des régimes oppresseurs. Depuis des siècles, les français se tournent vers l'Etat et attendent de lui qu'il soit garant de la justice, assure un bon service public (le service public trouve son origine sous Saint Louis au XIIIème siècle avec les "établissements de commun profit") et protège les faibles. Lorsque ces conditions ne sont pas remplies, les français se rebellent. Il me semble que nous en sommes là aujourd'hui. Aussi, il est reconnu que les grands mouvements populaires comprenaient une forte présence de femmes... ce qui est le cas du mouvement des gilets jaunes. Enfin, le désir de ne pas avoir de "chef" est un signal fort : le peuple veut mettre en oeuvre une vraie démocratie, dans son sens initial de "pouvoir au peuple" mais on voit, par le désordre qu'il suscite, combien ce système est difficile à mettre en place !
Donc, oui, étant donné que de nombreux indicateurs sont là, je pense que ce mouvement va marquer l'Histoire.
Tous les personnages clés de la présidence Macron sont présents dans la BD et on retrouve aussi... Sarkozyx. Qu'est ce qui vous a motivé dans cette incursion ?
Effectivement, Sarkozy ne fait plus partie du gouvernement mais il n'en reste pas moins un proche et fervent admirateur du Président Macron... C'est pourquoi il était tentant de lui faire tenir le rôle de conseiller flatteur dans les coulisses du palais Elyseeum. De plus, Sarkozy, comme Hollande puis Macron font partie à mon sens d'une même "lignée" de présidents défendant une politique libérale européenne. Pour preuve, Sarkozy a déclaré :" Macron, c'est moi en mieux" et François Hollande a appelé à voter pour lui...
Quels traits d'humours retrouvera-on dans votre bande dessinée César Macronus et la révolte des toges jaunes ?
L'humour se retrouvera dans le décalage opéré entre les faits d'actualité et leur transposition dans l'univers gallo-romain. On le retrouvera aussi dans les dialogues et les attitudes des personnages.
Peut-on en savoir plus sur votre choix de créer des scénettes d'1 à 4 pages autour des évènements des gilets jaunes ; plutôt que de faire une histoire peut-être plus linéaire ?
Créer des scénettes d'une à quatre pages plutôt qu'un récit linéaire me permet d'avoir une grande liberté dans le découpage scénaristique. Par exemple il y aura des flash-back ou des intermèdes sur l'affaire Benalla qui viendront ponctuer le récit. De plus, le développement d'un épisode de l'actualité politique sur peu de pages évoque la forme du dessin journalistique, forme que je revendique pour cet ouvrage.
Comment travaillez-vous vos dessins ?
Le point de départ doit être une bonne idée. Dès que je l'ai, le découpage et la mise en page se mettent en place presqu'instantanément dans ma tête... Je passe aux croquis rapides de personnages puis au story-boarding sur papier brouillon. C'est important pour moi que cette étape soit "balancée" et mal dessinée afin d'avoir le maximum de spontanéité et libérer les idées. Il s'agit avant tout de voir comment les images s'enchainent et si le rythme est bon. Après avoir sélectionné les enchaînements d'images les plus pertinents, je passe à la mise au propre : le dessin au crayon de papier sur toute la page puis au feutre et enfin à l'aquarelle.
Avez-vous participé à des manifestations de gilets jaunes et quels sont pour vous les évènements les plus marquants ?
Je n'ai participé pour l'heure qu'à deux manifestations de gilets jaunes avec une attitude plus journalistique que militante. Il était nécessaire pour moi de considérer ce mouvement "de l'intérieur" et pas seulement d'un point de vue médiatique ou intellectuel. Le sentiment d'injustice y est fort mais il s'exprime de mille façons. Enfin, je ne souhaite pas tenir un propos manichéen dans mon album, c'est pourquoi il me tient à coeur de relever les dysfonctionnements qui opèrent dans les deux camps. Les faits les plus marquants pour moi sont ceux liés aux violences policières : l'affaire Benalla car elle révèle que l'Etat a une police parallèle ; et la mutilation de manifestants liés aux tirs de LBD. J'ai été aussi particulièrement sensible au traitement médiatique et judiciaire de l'affaire Christophe Dettinger ainsi qu'à la perquisition de Mediapart.