En quoi était-il important que vous racontiez votre parcours durant votre cancer dans le livre Ma résilience ?
C’était important pour moi de l’écrire comme pour tirer un bilan de toutes ces années de suivi médical. Ça a été une vraie thérapie, une vraie prise de recul et une manière d’ouvrir le dialogue avec mes proches.
J’y raconte mon combat contre le cancer et surtout ce que cette épreuve en tant que malade m’a appris. Le courage, l’humilité, la patience, la gestion du stress, les aléas de la vie, l’importance de la famille, de la communication et de la prise de recul.
Quelle est la première chose à laquelle on pense quand on apprend son cancer à l'âge de 13 ans ?
Comme je l’explique dans le livre je n’ai jamais eu peur ni pensé au pire quand je l’ai appris. J’avais encore cette douce naïveté qu’ont les enfants. Donc je me savais malade, gravement, mais sans plus.
Avez-vous rencontré à un moment donné des tabous ?
Oui déjà je n’ai pas tout su, c’est-à-dire que les médicaments que j’ai pris, incluant la chimiothérapie, pouvaient avoir de lourds effets secondaires, mais je n’étais pas au courant.
Ma fertilité aussi aurait pu être affectée mais ce sujet n’a jamais été abordé avec moi et je n’ai, moi-même, pas posé de questions là-dessus.
Le choix des mots est-il important dans un ouvrage où l'on témoigne de sa maladie et pourquoi avoir choisi un style d'écriture plutôt factuel ?
Oui le choix des mots est important je pense, mais j’ai surtout choisi le style d’écriture qui me correspondait. J’ai mis par écrit ce que j’aurai pu dire à l’oral et c’est d’ailleurs la remarque que mes amis m’ont faite. En lisant mon livre, ils ont tous eu l’impression de m’entendre leur raconter mon histoire. J’ai choisi les mots que j’utilise tous les jours et un style qui reflète aussi ce que je ressens, un style sans pathos et très factuel.
La médecin Christine Janin a préfacé le livre Ma résilience. En quoi était ce important et quelle a été sa réaction quand vous lui avez évoqué votre livre ?
Christine Janin a créé l’Association « A Chacun Son Everest » qui emmène les enfants malades à Chamonix. Je l’ai rencontré là-bas et ce stage a changé ma vie.
C’est une femme - médecin et alpiniste - pleine de générosité, de sensibilité, qui a toujours su aborder le thème de la maladie et du dépassement de soi avec les bons mots.
J’ai pensé à elle de suite sans aucune hésitation, et je ne suis pas déçue du résultat, bien au contraire, sa préface est plus que magnifique.
Quand je lui ai parlé du livre, elle a été très touchée par ma démarche et c’est elle qui m’a donné l’idée de lancer une campagne participative !
Elle l’a emporté pendant ses vacances et m’a envoyé la préface dès son retour… Elle a été très émue, par, je cite : mes mots, ma lucidité, ma générosité, mon beau témoignage ; et ma grande maturité.
Votre grand-mère est décédée d'un cancer durant cette épreuve. Avec cette double peine, le ressenti est-il différent et dans quelle mesure cela vous a-il affecté ?
Oui le ressenti est différent dans le sens où je n’ai pas eu le temps de prendre du recul par rapport à mon propre cancer et tout ce que je traversais. Du coup ça a, en effet, été une double peine, et je suis passée de la place du malade à la place d’accompagnement sans avoir le temps de reprendre mon souffle.
J’ai trouvé cette place très difficile, plus que ma place de malade d’ailleurs. J’ai ressenti de l’impuissance, de l’injustice, et beaucoup de colère. Sa mort m’a aussi fait réaliser que moi aussi j’aurai pu mourir, et ça a donné une autre dimension à ma maladie.
Vos proches vous ont beaucoup accompagné durant votre maladie, avec le recul que ressentez-vous avec l'aide qu'ils vous ont donné ?
Je sais que je n’aurai jamais aussi bien vécu les choses sans leur présence ni leur soutien. Ils ont toujours gardé le sourire et ils ont toujours montré que la vie continuait. Ils ne m’ont jamais accablée par leur propre peur, ni par leur propres craintes ou doutes.
Je ressens aujourd’hui beaucoup de gratitude et de reconnaissance envers eux. Et cette épreuve nous a soudé à jamais. On s’aime, on se le dit, et on profite de chaque moment ensemble car on sait qu’ils sont si précieux.
Votre mère a également tenu un journal, c'était une surprise quand vous l'avez appris et comment vous êtes-vous sentie après l'avoir lu ?
Oui c’était une totale surprise. Je ne m’y attendais pas du tout, mais je m’attendais surtout pas au fait qu’elle me le donne.
Je l’ai relu plusieurs fois, ça n’a pas été simple. J’ai découvert comment elle l’a vécu, mais surtout comment elle a dû gérer les choses, avec mon père, en tant que parent, et dans un monde d’adulte. Gérer ses émotions, gérer le planning, gérer les dépenses et la paperasse, gérer les informations du personnel soignant (et les comprendre), gérer les visites, la communication avec le collège, gérer son propre travail, ses deux autres enfants. Je l’ai reconnue dans son journal, elle l’a écrit de manière très factuel également et toujours en montrant beaucoup d’admiration envers moi.
| Divertir vous recommande : Le témoignage de Paul et Virginie Dupeyroux sur le cancer de l'amiante
Avez-vous eu un retour de l'équipe médicale sur votre livre Ma résilience et en dehors des soins que vous a-elle apportée ?
Etonnamment je ne l’ai pas encore partagé avec mon hématologue ni les différents intervenants de l’équipe médicale ! Mais je vais leur envoyer le livre très prochainement !
En dehors des soins, je sais que chacun a été présent d’une manière très humaine. J’ai été soignée et suivie dans un monde rempli de bienveillance.
Aujourd’hui je pourrai tout donner à ces personnes qui ont pris soin de moi et je ne les oublierai jamais.
En quoi les associations sont-elles importantes lorsqu'on est malade et sont-elles, selon vous, suffisamment mises en avant pour leurs actions dans la société ?
Les associations sont importantes, premièrement, parce qu’elles permettent de se rendre compte que l’on n’est pas seul à se battre, et deuxièmement parce qu’elles mettent en place des actions pour que l’on se sente mieux, que ce soit quand on est hospitalisé ou dans le quotidien.
Non elles ne sont pas suffisamment mises en avant, c’est toujours très difficile le monde associatif pour ça.
A cause de la maladie, qu'est-ce qui vous a le plus manqué et regrettez-vous d'avoir eu une vie différente d'autres enfants ?
Je ne regrette pas d’avoir eu une vie différente d’autres enfants parce que c’est comme ça que j’ai grandi et tout ça a construit l’adulte que je suis devenue aujourd’hui.
Maintenant bien sûr des fois je regrette de ne pas avoir eu de vraie adolescence, de vraies « disputes » avec mes parents (qui apprennent à savoir gérer les conflits et à pouvoir dire non). A cette époque j’ai dû suivre un protocole et dire « non je suis pas d’accord » n’était pas une option donc je pense que l’esprit de rébellion m’a manqué !
J’ai aussi manqué des voyages avec ma classe, notamment en Italie. Et je sais que sur le moment j’étais triste de ne pas pouvoir faire comme les autres enfants.
Ou les soirées filles où l’on commence à se maquiller et se coiffer, même encore aujourd’hui je me considère comme débutante dans ces domaines !
Je me rappelle aussi que j’ai eu beaucoup de mal à reprendre le sport, j’étais très vite essoufflée, pendant plusieurs années et ça n’a pas été simple psychologiquement de me sentir plus faible que les autres.
Est-ce qu'il y a un bon souvenir que vous avez vécu durant votre cancer et dont vous souhaitez parler avec nous ?
Déjà il y a plein de bons souvenirs ! Et c’est difficile de n’en sélectionner qu’un… Du coup je vais en choisir plusieurs.
Le premier c’est quand j’étais hospitalisée, une infirmière en stage est venue jouer au UNO avec moi. Ça m’a fait du bien ce jour-là.
Et les autres ce sont des souvenirs avec ma famille, celui qui me revient en premier (que mon père a filmé d’ailleurs) c’est ce moment en été, où on était tous dehors dans le jardin, mes frères et mes parents, et où on a chanté Les lionnes de Yannick Noah tous les trois avec mes frères : un vrai spectacle de gamins qui s’aiment et qui s’amusent. J’avais perdu tous mes cheveux et c’est vrai que la vidéo est assez frappante. Frappante de part ce qu’elle montre : le fait qu’on soit dans la tourmente d’une lourde épreuve de la vie (rappelée par mon aspect physique) mais aussi le fait qu’on ait continué à profiter de chaque instant ensemble et à rire pour de vrai.
En terminant le livre par des anecdotes, c'est une façon de dédramatiser le parcours face à la maladie ?
Pas forcément de dédramatiser mais plutôt parce que j’ai eu envie de m’attarder sur ces d’anecdotes plutôt que sur d’autres. Et c’est comme ça que j’ai appris à fonctionner pour avancer…retenir le positif !
Ces anecdotes font partie de mes souvenirs, pas toujours tous amusants c’est certain, et c’est vrai que finir sur quelque chose de plus léger m’a plu.
Pourquoi avez-vous fait ce choix de photo en première de couverture où l'on vous voit de dos ?
Déjà je voulais qu’on puisse m’identifier sur la couverture. Comme si le livre m’appartenait encore plus. Et finalement de dos parce que c’est là où j’ai des vergetures (seuls témoins visibles du combat que j’ai mené) et j’ai pensé à les faire remplir d’or pour créer ma résilience.