En 1847, Madame Allan-Despréaux, ayant découvert Un Caprice , pièce écrite par Musset en 1837, avait obtenu que celle-ci soit montée à la Comédie Française. Ce fut un succès, qui valut à l’auteur d’être courtisé par plusieurs actrices pour qu’il leur écrive des rôles. L’une de ces actrices, Augustine Brohan, qui plaisait particulièrement à Musset, tenait les emplois de soubrette. Ce fut donc pour elle qu’il écrivit Louison. Une brouille étant survenue entre Augustine et Alfred, ce fut une autre comédienne qui créa le rôle : Mademoiselle Anaïs. Contrairement à beaucoup de ses pièces : Les caprices de Marianne (1833), On ne badine pas avec l’amour (1834), Lorenzaccio (1834), Louison, comédie créée à la Comédie Française en 1849, est donc la première pièce que Musset ait composée spécialement en vue de la représentation depuis l’échec de sa première pièce en 1830. C’est également une de ses rares pièces en alexandrins.
Curieusement, Musset, auteur le plus mis en scène, alors même que la plupart de ses pièces étaient destinées à être lues et non jouées se retrouve au crépuscule de sa vie à produire de nouvelles œuvres dont Louison, cette fois-ci destinées à être jouées et pourtant, il apparaît que Louison sera sa pièce la moins représentée.
Certains la jugent trop classique. Musset conclurait son marivaudage en prônant la fidélité et la nécessité de rester dans son milieu. Il ferait l’apologie d’un amour conjugal heureux basé, pourvu qu’on soit riche, jeune et beau, sur la fidélité réciproque et une jalousie bien tempérée.
Non. Louison est un texte d’une grande beauté littéraire, abordant des thèmes riches et universels. On y retrouve l’élégance de style du poète qui s’exprime ici en vers. C’est une rencontre passionnante entre le romantisme et la justice sociale, la pureté de la langue et la modernité des corps.
J’y vois le désenchantement d’un séducteur faisant echo à la vie personnelle de l’auteur qui commence à payer le prix de ses frasques passées. Le Duc n’est pas un simple libertin délaissant sa femme aimante pour courtiser la servante. D’apparence confiant et satisfait, il y a chez ce personnage une angoisse sous-jacente liée à son incapacité d’imposer ses désirs à sa femme. La Duchesse, sous ses airs de fragile épouse délaissée, démontre sa supériorité psychologique dans son refus de se plier à la volonté de son mari, ce qui résonne dans les oreilles du Duc comme le rappel incessant de son infériorité. En franchissant la barrière sociale qui le sépare de Louison, le Duc s’enorgueillit de sa magnanimité et pense avoir trouvé un faire-valoir, un être qu’il pourra surclasser physiquement, moralement et intellectuellement dans une démarche bienveillante et paternaliste.
Au-delà de son apparente fraîcheur, la pièce propose une vision forte de la condition de la femme et de leur volonté active d’émancipation. Sous des dehors angéliques, Louison comme la Duchesse tirent les ficelles de petits stratagèmes dont dépendent leur honneur et leur bonheur.
Oui,
Louison est une comédie sentimentale de structure très classique mais Louison met surtout en scène le sentiment d’honneur d’une jeune gouvernante impuissante devant la cour pressante de son maître. C’est la conviction que la morale paysanne est au moins aussi exigeante et respectable que celle des gens ‘‘bien nés’’. En somme, une conscience de classe.
Outre la préoccupation sociale évidente de l’auteur, Louison est avant tout un marivaudage plein d’humour, une comédie de fantaisie emprunte de nostalgie. Dans son Duc, Musset s’est peint lui-même dans sa double nature de rêveur-amoureux mais aussi de libertin. Dans sa Duchesse, « l’amoureuse », il peint les femmes qu’il connut et dont il rêvait. Et dans Berthaud « le grotesque », il révèle son amour de la gaieté et de la caricature.
Dans tous les personnages, c’est le poète lui-même qui nous parle :
« Sachez-le, c’est le coeur qui parle et qui soupire. Lorsque la main écrit c’est le coeur qui se fond; C’est le coeur qui s’étend, se découvre et respire, Comme un gai pèlerin sur le sommet d’un mont ».
Une spectatrice en 1848 écrivit à Musset : "Monsieur, je ne puis résister au désir de vous dire que vous venez de faire un petit chef-d’œuvre. Votre Louison est admirable de grâce et de vérité, de finesse et de sensibilité. Vous pensez et sentez comme Shakespeare et parlez comme Marivaux. C’est un étrange amalgame dont l’effet est très saisissant."
Pauline Boccara - metteur en scène
Pauline est titulaire d’une maîtrise de droit privé qu’elle a obtenue à l’université PARIS X Nanterre. Elle intègre par la suite l’école de cinéma EICAR, filière réalisation, dont elle sort Major de promotion en 2007. Elle y réalise deux courts-métrages et recoit le Grand prix deux années de suite des mains de Coline Serreau et Jean-Jacques Beineix.
Elle écrit et réalise deux autres courts-métrages : Lamb to the slaughter et Suite logique, sélectionnés dans de nombreux festivals, et pour lesquels elle est sollicitée par France 3 qui souhaite acquérir ces deux courts-métrages pour le programme Libre court.
Pauline a également travaillé pendant 2 ans dans le casting pour le cinéma et la télévision aux côtés de Fabienne Bichet. Elle a notamment collaboré avec Patrice Leconte, Thierry Binisti et Stephane Kappès. Puis elle entame diverses collaborations avec Babe Films, UGC Image et Gaumont pour l’écriture et la réalisation de longs-métrages de comédie.